• L'EXPOSITION AU TABAGISME PASSIF SUR SON LIEU DE TRAVAIL CONSTITUE UN MANQUEMENT DE L'EMPLOYEUR JUST

    Chronique juridique, datée du mercredi 3 novembre 2010


     

     
    L'EXPOSITION AU TABAGISME PASSIF SUR SON LIEU DE TRAVAIL CONSTITUE UN MANQUEMENT DE L'EMPLOYEUR JUSTIFIANT UNE PRISE D'ACTE!

     


     

    La chambre sociale de la Cour de cassation a, par un arrêt en date du 6 octobre 2010 (Cass. soc., 6 octobre 2010, n°09-65.103), admis qu'un salarié victime de tabagisme passif puisse prendre acte de la rupture de son contrat aux torts de l'employeur, et ce, quand bien même sa santé n'aurait pas été directement impactée. Pour la première fois, la Cour de cassation considère que le seul fait d'avoir été exposé à la fumée de cigarette suffit à fonder la prise d'acte de la rupture.

    En l'espèce, il s'agissait d'un salarié embauché comme barman le 2 février 2004, ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail. Il reproche à son employeur de l'avoir laissé, au mépris de l'interdiction de fumer sur les lieux de travail, constamment exposé aux fumées.

    La cour d'appel a débouté le salarié de sa demande de requalification de sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse. En effet, même si la cour d'appel retient que le constat d'huissier dressé le 10 juin 2005 établit que l'employeur ne respectait pas les dispositions du code de la santé publique sur l'interdiction de fumer dans les lieux ouverts au public, ce constat «ne démontrait pas pour autant que la santé du salarié était compromise par ce seul fait». La cour d'appel considère que dans la mesure où «l'interdiction de fumer dans les lieux ouverts au public n'était pas absolue dans les locaux d'un bar-restaurant, le salarié était nécessairement exposé, même modérément, en raison de son emploi de barman, aux fumées de cigarettes». Elle ajoute que des analyses relèvent la présence d'un taux de nicotine relativement faible dans l'organisme du salarié et qu'un tel taux ne peut être imputable à ses seules conditions de travail, puisqu'il vit dans une métropole particulièrement polluée.

    Ainsi, les juges du fond ont estimé que sa prise d'acte n'était pas justifiée et qu'elle devait produire les effets d'une démission.

    La chambre sociale de la Cour de cassation a, quant à elle, censuré l'arrêt rendu par la cour d'appel en se fondant sur l'obligation de sécurité de résultat imputable à l'employeur. Rappelons que l'obligation de résultat est une obligation par laquelle le débiteur s'engage à fournir un résultat déterminé. Selon la Cour de cassation, une telle obligation «lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé de ses salariés». C'est pourquoi la chambre sociale a estimé que les constatations relatives au faible taux de nicotine dans l'organisme du salarié ne pouvaient valablement écarter sa demande. Les hauts magistrats considèrent que le non-respect des dispositions du Code de la santé publique aurait dû suffire, à lui seul, à faire produire à la prise d'acte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

    Elle se montre donc intransigeante sur la question du tabagisme passif au temps et au lieu du travail puisqu'elle consacre, par cet arrêt, qu'il importe peu qu'il n'y ait pas de conséquences directes décelables sur la santé du salarié. Il suffit simplement:

    - que l'employeur n'ait pas respecté la législation antitabac;

    - que l'employeur ait manqué à son obligation de sécurité de résultat;

    - qu'un salarié ait été exposé aux émanations de cigarettes.

    Cet arrêt de la Cour de cassation vient renforcer la position des hauts magistrats sur la question du tabagisme passif et, notamment, la position qu'ils avaient prise le 29 juin 2005 (Cass. soc., 29 juin 2005, n°03-44.412) à propos d'un salarié victime du tabagisme de ses collègues. En effet, la Cour de cassation avait considéré que, dès lors qu'un salarié était victime du tabagisme de ses collègues, l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité de résultat faute d'avoir su faire respecter l'interdiction. Ainsi, la prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

    À l'heure où la sécurité et la santé des travailleurs semblent faire partie de l'une des plus importantes préoccupations du monde du travail, la Cour de cassation témoigne de son soutien; elle cherche à promouvoir la protection de la santé des travailleurs: c'est ce qui s'appelle passer de la théorie à la pratique!
     


     


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